SALABERT Paul, Firmin.
La
première période va jusqu’à la fin des
années 1950 : c’est le temps d’un éveil
précoce à la conscience politique et sociale et des
débuts de son action syndicale et de ses responsabilités
politiques La mort de Staline qui survient alors que Paul Salabert
participe à la conférence nationale du PCF à
Gennevilliers lui impose un effort d’analyse qu’il poursuivra
à travers tous les événements marquants de
la deuxième moitié du XXe siècle. La deuxième
période est celle des années 1960 : elle est marquée
par la question algérienne et la crise de 1968, par les problèmes
internes à la gauche française et par l’élargissement
du champ de vision de Paul Salabert qui se rend deux fois en RDA
et une fois en URSS. Son combat syndical est aussi très activé
par les grands travaux qui transforment alors le Languedoc méditerranéen.
Ensuite, à partir de 1970, s’ouvre une troisième
période pendant laquelle Paul Salabert qui cumule les responsabilités
régionales, suit de plus en plus près les évolutions
de son parti, celles de l’Europe, et s’engage particulièrement
sur le terrain social pour la défense de la Sécurité
sociale. Ses
choix s’expliquent d’abord par les conditions de vie
connues dans son milieu familial. C’est le cas de nombreux
militants de cette période. Né à Sète
en 1927 dans le quartier populaire du Souras Bas, dans une famille
de quatre enfants, Paul Salabert fit très jeune l’expérience
d’une vie rude, dépourvue de confort, malgré
le courage de ses parents : son père était pêcheur
en mer et dans l’étang de Thau. Sa mère domestique
chez les mareyeurs et les gros commerçants, se louait pour
les vendanges pendant un mois par an. Ce n’est pas l’exemple
d’un militantisme familial qui amena Paul Salabert au communisme,
mais le spectacle des inégalités sociales et de la
rudesse des conditions de travail de ses parents. Reçu au
certificat d’études primaires en juin 1939, il espérait
entrer un jour aux PTT comme l’avait fait son frère
aîné. Mais ces modestes espérances furent abandonnées
quand un accident rendit son père invalide. Il dut commencer
à travailler en 1940. Apprenti chez un pâtissier puis
chez un boulanger, il quitta Sète en décembre 1943
avec sa famille qui faisait partie des “ inutiles ”
évacués sur ordre de l’occupant allemand. Près
de Mazamet, il fut embauché comme valet de ferme puis comme
“ demi-ouvrier ”dans une boulangerie. La famille Salabert
quitta le Tarn après la libération de Sète
sinistrée du fait des bombardements ou des destructions ordonnées
par les Allemands. Paul Salabert montrait déjà
dans cette période un grand intérêt pour les
organismes sociaux : il siégea à l’Unedic dès
1955 et fut élu administrateur à la CPAM de Montpellier
en 1959. Il avait créé la Mutuelle des travailleurs
sétois en 1962, mais il refusa la présidence de l’Union
des Mutuelles de l’Hérault : à ses yeux, la
Mutualité française était responsable de “
la mise en pièces de la Sécurité sociale ”.
À partir de 1958 et durant les années 1960, le Parti
communiste se trouva isolé dans les gauches qui avaient des
analyses divergentes sur les événements d’Algérie,
leurs impacts en métropole, les crises internes au bloc de
l’Est. Paul Salabert conservait son attachement à l’Union
soviétique et sa confiance dans les modèles des démocraties
populaires. Il fit un voyage en RDA en juin 1960 avec la fédération
CGT de la construction et il retourna à Berlin et à
Magdebourg en 1967. Il en rapporta des “ Notes de voyage ”
publiées par La Marseillaise : ce qu’il observa,
dit-il, “ me confirma dans les appréciations qui étaient
les miennes lors de mon premier voyage en RDA […]. Les gens
paraissaient heureux et avoir les moyens nécessaires à
leur épanouissement ”. Il était également
dans la ligne dominante de son parti quand il se montrait critique
vis à vis de la construction de l’Europe de l’Ouest.
En 1957, il participait à la campagne contre le traité
de Rome. Mais la question algérienne avec toutes ses conséquences
en métropole devenait prioritaire. Elle était à
l’ordre du jour du 31e Congrès de la CGT où
Paul Salabert fut délégué. La condamnation
du 13 mai, la préparation de la grève générale
du 27 et de la manifestation du 28, toutes ces actions le conduisirent
dans les usines Lafarge, la Société tunisienne, et
vers les dockers au BMCO. Les débuts de la Ve République
furent un temps de divisions politiques à gauche. Seul le
socialiste Raoul Bayou avait sauvé son siège de député
en 1958. Les alliances se faisaient contre les communistes (par
exemple aux municipales de 1959). À Sète, le succès
de la liste Arraut fut une exception. Le front de l’opposition
républicaine ne se fit qu’en 1962. En novembre, le
tournant fut pris, en particulier à Sète, quand le
communiste Raul Calas, arrivé en tête au premier tour,
se désista en faveur de Jules Moch situé en 3°
position derrière le député sortant UNR. La
crise politique mettait en évidence les clivages entre le
parti communiste et la SFIO, la CGT et FO. Au début des années
1960, Paul Salabert, membre du Mouvement de la Paix, participa aux
luttes contre l’OAS qui tentait de s’opposer par la
violence au règlement de la question algérienne. En
février 1962, après le drame de Charonne à
Paris, il y eut à Sète une manifestation qui rassembla
5000 participants. Paul Salabert considérait avec scepticisme
le processus de formation d’un “ Front unique de la
gauche ”. En 1965, quand Mitterrand se présenta comme
candidat unique de la gauche, il se demandait “ Pour quoi
faire ? Avec quels objectifs ? Quelle politique ? ”, car il
refusait le réformisme socialiste. En 1972, il considérait
le Programme commun comme “ une erreur stratégique
”. OEUVRE : C’est
ma vie. (Récit d’une vie militante), Sète,
juin 1996, 237 p. [autobiographie de Paul Salabert] |